Une Histoire Sans Nom by Barbey d'Aurevilly Jules Amédée

Une Histoire Sans Nom by Barbey d'Aurevilly Jules Amédée

Auteur:Barbey d'Aurevilly, Jules Amédée [Barbey d'Aurevilly, Jules Amédée]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
Éditeur: Feedbooks
Publié: 2007-07-01T22:00:00+00:00


Chapitre 7

Cependant, au milieu de ces férocités, il y eut un instant où cette mère outrée, mais non pas sans entrailles, s'arrêta dans le supplice qu'elle infligeait à sa fille. Sentit-elle que, même coupable, c'était vraiment trop ?… Fut-elle touchée de ce visage qui avait été délicieux et qui n'était plus qu'une fleur broyée, ou bien fut-ce une ruse de cette âme acharnée pour surprendre le secret que cette fille si faible, et forte pour la première fois, avait l'incroyable énergie de garder caché dans son cœur ?… Elle se connaissait en amour.

« Il faut qu'elle aime furieusement, pensait-elle, pour avoir cette force, elle si douce de nature et si peu faite pour résister ! » Et voilà que, tout à coup, elle changea de ton avec Lasthénie. Voilà que son âpreté s'adoucit et qu'elle revint même au tutoiement de la tendresse !

« Écoute – lui dit-elle -, malheureuse et funeste enfant, tu meurs de chagrin et tu m'en fais mourir avec toi. Tu perds ton âme et tu perds la mienne ! Car te cacher, c'est mentir, et tu me fais partager ton mensonge, avec cette humiliante comédie de tous les moments qu'il faut jouer pour cacher ta honte, tandis qu'un mot dit de cœur à cœur à ta mère pourrait peut-être tout sauver. Un mot dit par toi te mettrait peut-être dans les bras où tu t'es mise une fois. Dis-moi le nom de l'homme que tu aimes. Il n'est peut-être pas si bas que tu ne puisses l'épouser. Ah ! Lasthénie, je me reproche d'avoir été si dure avec toi ! Je n'en ai pas le droit, ma fille. Je t'ai caché ma vie. Tu ne sais, ni toi, ni les autres, qu'une seule chose, c'est que j'ai aimé follement ton père et qu'il m'a enlevée… Mais tu ignores – et le monde aussi -, que moi, comme toi, ma pauvre fille, j'avais été coupable et faible, et qu'il m'avait mise dans l'état où tu es, quand il m'amena dans ce pays pour m'épouser. Le bonheur du mariage cacha une faiblesse dont je n'eus jamais à rougir que devant Dieu seul. Ta faute, à toi, ma pauvre fille, est, sans doute, une punition et une expiation de la mienne. Dieu a de ces talions terribles ! J'ai épousé ton père. J'épousais mon Dieu !

Mais le Dieu du ciel ne veut pas qu'on lui préfère personne, et il m'en a punie en me le prenant et en faisant de toi une fille coupable comme je l'avais été. Eh bien, pourquoi n'épouserais-tu pas aussi celui que tu aimes ?

– car tu l'aimes !… Si tu ne l'aimais pas follement comme j'ai aimé ton père, tu ne te tairais pas… » Elle s'arrêta. On voyait que cela lui coûtait immensément, ce qu'elle venait de dire ! mais elle l'avait dit.

Elle s'était avouée l'égale de sa fille dans la faute. Elle n'avait pas reculé devant certaine humiliation, – la dernière ressource. qui lui restât pour savoir la vérité qu'elle brillait de connaître.



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